Le débat entre: Bernard Nicod et François Hiltbrand. Bilan, 14 décembre 2011

BERNARD NICOD

Bernard Nicod et François Hiltbrand

NON Pour le fondateur du groupe éponyme, la surchauffe est présente mais les prix ne chuteront pas.
Je ne sais pas quelle mouche a piqué l’équipe du Matin Dimanche le 27 novembre 2011 en affichant leur manchette «N’achetez plus, la bulle immobilière va éclater» et en l’assortissant d’un article peu sérieux. La peur n’est pas bonne conseillère, pas plus en politique qu’en économie.

La désinformation économique n’est pas acceptable et ce journal a perdu une occasion de se taire. Par contre, le mal est fait. Cela nécessite de remettre les pendules à l’heure. L’émission Infrarouge de la Télévision romande a été programmée pour le 6 décembre. Invité, j’ai accepté d’y participer, mais elle a dû être annulée faute de combattants, personne n’acceptant d’aller soutenir les propos du Matin Dimanche en public, et pour cause. Pour qu’une bulle éclate, il faut trois paliers:

  • 
Le premier est l’augmentation des prix (de 2008 à 2010). Elle est bien là.

  • Le deuxième, la surchauffe (de 2010 à 2011). Elle est également là.

  • Le troisième, la formation d’une bulle. Elle n’est pas là. Elle ne peut donc pas éclater.

Dans cet article, Thomas Veraguth, d’UBS, déclare à tort que les acteurs du marché sont prisonniers d’emballement, mais l’économiste en chef d’UBS, Andreas Hoefert, dément plus tard les propos de son collaborateur et confirme qu’il n’y a pas d’emballement des crédits comme c’était le cas dans les années 1990, ni de spéculation hypothécaire ni de risque que les taux augmentent avant 2013. Si les prix sont socialement préoccupants, ils correspondent avant tout à une forte demande due à la démographie, à un retard dans la construction ainsi qu’à l’arrivée dans notre région d’entreprises à forte valeur ajoutée, celles-ci engageant de nombreux collaborateurs très bien payés. Les fondamentaux sont solides, la demande est soutenue, les locataires et les propriétaires ont la capacité de faire face à leurs charges. Contrairement à ce que laisse croire cet article, les banques ont des règles d’or et elles les respectent même si quelquefois il y a de petits dérapages. Les prix de l’immobilier ont malheureusement beaucoup augmenté ces trois dernières années sur l’arc lémanique, mais la toute grosse majorité des actes passés l’est dans des conditions tout à fait acceptables. Dans le canton de Vaud, sur environ 12 000 actes annuels, représentant 7,5 milliards de transactions, 10 000 sont signés dans des conditions satisfaisantes: l’acquéreur a les moyens et les fonds propres pour son acquisition, le banquier respecte les règles d’or et le prix correspond au marché; 1000 actes sont signés avec une exagération de l’ordre de 5% sur la valeur logique. Un autre millier avec une exagération de 5 à 10%. Certes, ce n’est pas idéal, mais cela ne fait pas encore une bulle. Il est néanmoins regrettable qu’à Genève, sur les 2500 actes annuels, l’équilibre soit moins bon et que les prix aient atteint des sommets inquiétants qui rompent l’équilibre social sur ce marché. Ce n’est pas le cas dans le canton de Vaud où les utilisateurs souffrent néanmoins d’un marché tendu. Depuis septembre 2011, les prix se sont stabilisés. Ils n’augmenteront pas en 2012. Il est totalement exclu qu’ils s’effondrent. Déclarer que les acheteurs vont perdre leurs fonds propres en acquérant actuellement est totalement irresponsable et mensonger. La pression sur les prix appartient aujourd’hui au passé puisque ceux-ci ont commencé à se stabiliser il y a trois mois. Dans une année, les choses seront rentrées dans l’ordre et la surchauffe ne sera plus qu’un mauvais souvenir.

FRANÇOIS HILTBRAND

OUI Le cofondateur d’Analyses & Développements immobiliers affirme que le marché pourrait être tiré vers le bas.

Une bulle va éclater. Toute la question est de savoir quand et avec quelle ampleur! Ce qui est certain, c’est que les tensions actuelles sont fortes, trop fortes, pour que l’équilibre ne soit pas rompu. Individuellement, chaque composant du système n’est pas, de lui-même, susceptible de crever la bulle, mais, comme dans tout système instable, c’est une cascade d’éléments qui provoquent l’effet domino. Il convient de ne pas oublier que le marché immobilier est composé de plusieurs planètes; la planète industrielle, la planète des immeubles de rendement et la planète des biens en usage propre. Les règlements sont différents et sans relations apparentes. Par exemple, sur la planète des biens en usage propre, le continent des objets de luxe n’a pas grand-chose à voir avec celui du marché indigène. Pourtant, quand le premier s’emballe, comme c’est le cas dans le bassin genevois, le second se voit aspirer vers le haut alors qu’il n’en a pas les moyens ni le souffle.

Une bulle immobilière est définie quand il est constaté un écart important et persistant entre la dynamique des prix et celle qui serait conforme à ses déterminants fondamentaux, par anticipation sur la croissance des prix, notamment. Nous pouvons constater que sur la planète des biens en usage propre et dans celle des immeubles de rendement (habitation) il y a un écart par rapport aux déterminants fondamentaux. Il y a bulle! Nous constatons également, depuis dix-huit mois, un ralentissement du nombre de transactions pour un prix moyen toujours plus élevé. C’est également un indicateur de bulle!
Nous pensons que l’amplification, par effet de contagion, pourrait engendrer toute une série de protections qui, additionnées les unes aux autres, seraient responsables de l’éclatement d’une bulle.

On peut imaginer qu’un continent immobilier, qu’un espace économique devienne instable et que la panique s’empare des occupants d’un autre continent! Imaginons qu’une autorité politique impose une nouvelle règle maladroite! Nous pourrions imaginer voir naître une certaine animosité vis-à-vis des immigrés de l’Union européenne, qui seraient la cible toute désignée de la vindicte populaire.

Objectivement, sur le marché immobilier, le nombre de transactions concernées par ces immigrés est relativement faible, mais il se trouve que ce marché est susceptible d’avoir pollué le marché indigène. Avec un peu de populisme (à gauche comme à droite), on engendrerait des lois dont les conséquences pourraient être néfastes à l’ensemble des mondes de l’immobilier. Nous pourrions imaginer une décision politique visant à réduire l’usage de fonds LPP. Le corollaire en serait une forte baisse du prix des villas et des appartements du marché indigène, mouvement qui immanquablement entraînera vers le bas les autres marchés. Enfin, nous pourrions imaginer que le ralentissement économique européen va, par osmose, vider des immeubles de bureaux à Genève, via le départ de services d’entreprises et d’organismes internationaux; ce qui entraînera peu ou prou, faute d’acteurs, une diminution de la demande sur les loyers, d’abord en «haut de gamme» des logements, puis sur les loyers médians. Qui dit moins de rendement dit diminution de la valeur et par conséquent panique chez les créanciers.

A entendre certains, ce n’est que le fruit de nos imaginations et rien de tout cela ne se produira, en tout cas pas en même temps!

Crédits photos: Odile Meylan/EOL, Lionel Flusin

 

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